Le Vaudreuil, au temps des rois

Écoutez bien ! Les flots de l’Eure n’ont pas toujours été aussi paisibles. Jusqu’en 1926, la rivière était navigable. Ici, elle atteint son plus grand débit (environ 20 m³/s). On y croisait des « cabotières », de petits bateaux transportant des hommes et des marchandises. Suivons le cours de l’eau vers l’écluse et l’ancienne porte marinière, qui régulait le niveau pour les moulins, contrôlait le passage des bateaux et permettait de percevoir un péage, notamment sur le sel.

L’usine hydroélectrique installée sur l’écluse rend celle-ci difficilement identifiable. Quelques traces subsistent : les rainures verticales pour les portes et la borne d’amarrage. Pour mieux apercevoir la maison de l’éclusier sur l’île, avancez de quelques pas et arrêtez-vous avant le dernier lampadaire.

Les armoiries du golf rappellent celles des châtelains qui franchissaient autrefois les portes du château. C’est sur « l’île l’Hom », entourée par deux bras de l’Eure, que furent édifiés les différents châteaux du Vaudreuil, tour à tour résidences princière, ducale et royale. Saviez-vous que le jeune Guillaume le Bâtard, futur Guillaume le Conquérant, a échappé de justesse à un enlèvement ici, au Vaudreuil, avant que ses archers ne contribuent à sa victoire à Hasting ? Son fils, Henri Beauclerc, en fit une forteresse clé des luttes entre Richard Coeur de Lion et Philippe Auguste. Après l’annexion de la Normandie, le château devint un palais prisé par Saint-Louis, puis fut embelli sous Jean II le Bon. En 1657, Claude Girardin y édifia un élégant château, l’une des « trois grâces de Normandie », avec un jardin créé par Le Nôtre, où y auraient séjourné Molière et La Fontaine. Imaginez une majestueuse allée de 600 mètres, bordée d’arbres et de bassins, dont seuls deux pavillons subsistent aujourd’hui. Le château, érigé avec grandeur, fut détruit en 1823, après avoir vu le château-fort, abandonné depuis 1713, tomber sous les assauts du temps. Pourtant, ce domaine ne sombra pas dans l’oubli. Au 20e siècle, le marquis de La Haye insuffle une nouvelle vie à ces lieux en y créant le premier golf de l’Eure.

Sur le passage, au n° 7, se trouve la chapelle de l’Hôtel-Dieu, attribuée à Dagobert Ier et fondée au 7e siècle. L’Hôtel-Dieu soigna des malades jusqu’à la Révolution, mais fut partiellement détruit lors de l’élargissement de la route. On raconte que Jeanne d’Arc y aurait passé une nuit en route vers Rouen.

Un colombier témoigne de l’importance de ce lieu qui n’est autre qu’un ancien fief du château du Vaudreuil. Le manoir situé au centre, est flanqué à l’est d’une tour et à l’ouest d’un colombier. Au 17e siècle, le sieur de la Rive avait aménagé ici un jardin à la française, avec des arbres fruitiers et des vignes. Remanié depuis, il en reste l’empreinte. Continuons maintenant notre chemin vers une demeure à l’usage bien différent.

Ce lieu rend hommage à Edgar Raoul-Duval, maire de Notre-Dame-du-Vaudreuil et député de l’Eure. Propriétaire du château, ce conservateur éclairé était ami de Flaubert, Maupassant, Dumas et Jules Verne. Une statue à son effigie, inaugurée en 1890, se dressait ici avant d’être fondue en 1942 par l’occupant allemand. Seul le socle reste aujourd’hui. Comme le disait le président de la Chambre : « On ne fait pas l’éloge de pareils hommes, on se souvient d’eux ». Gardons sa mémoire vivante et avançons vers l’ancien relais de poste. Peut-être y trouverez-vous un cheval « tout frais » pour votre retour !

Église romane désacralisée, rebaptisé « Le Carré Saint Cyr », ce monument a été réinventé pour accueillir les œuvres des meilleurs artisans d’art de France et d’ailleurs. Il fait partie d’un projet unique, le « village d’artisans d’art », accompagné des « Ateliers Saint-Cyr », un incubateur pour créateurs, dédié à l’accompagnement et à la professionnalisation. Franchissez le seuil d’un lieu singulier. Écrin de lumière, il révèle chaque œuvre dans une scénographie pensée pour sublimer l’essentiel. Chaque exposition invite à un voyage émotionnel où se mêlent surprise, beauté et partage. Ainsi, au croisement de l’histoire et de la création, Le Vaudreuil, labellisé « Ville et métiers d’art », continue de rayonner grâce à ceux qui l’ont façonné, protégé et embelli.